violinist, recording artist, podcaster & writer

• 06 NOV 2020 - Interview - Monica Schütz




«Je viens de recevoir 38 kg de flyers pour cette tournée, et plein d’affiches, qui vont probablement alimenter mon feu de cheminée pendant l’hiver.» Son énergie fougueuse et sa passion pour le violon se ressentent même à travers un écran d’ordinateur, outil indispensable pour parler aux artistes en temps de pandémie. La violoniste vaudoise Rachel Kolly avait, pour une fois, «parfaitement aligné les choses». Le 20 novembre allait marquer le premier concert de sa tournée romande liée à la sortie de son nouveau disque consacré aux trois Partitas de Bach, composées il y a exactement 300 ans, l’un des piliers du répertoire pour violon seul.

Cet album est l’aboutissement de trois années d’intense travail pendant une période difficile de sa vie. Pour Rachel Kolly, «quand on interprète la musique de Bach, il y a indéniablement un côté apaisant. Certains vont au fitness, d’autres font du yoga, méditent ou cuisinent. Chacun a ses médicaments, afin de trouver un équilibre, une paix intérieure.»

Pendant ces trois années qu’elle passe retirée de la scène, dès 2017, elle jouera Bach tous les jours. Elle enregistre une première fois les partitas en mars 2019, mais reste mécontente du résultat. «Tout ce qui a toujours constitué mon jeu, c’est-à-dire les changements de couleur, le vibrato, ce son où chaque note compte, c’est quelque chose que j’ai complètement supprimé. J’ai vraiment passé un an à chercher les mouvements et la pureté. Quand on enlève tout, quand on pèle, qu’on s’enlève soi-même avec ses attributs, finalement on s’en fiche. C’est Bach qui reste!» Même si ces partitas sont en fait des suites de danses baroques, le compositeur allemand n’est plus en train de danser. «Il utilise le cadre, sa science, la tradition, et s’en détache pour composer quelque chose d’universel.»

La violoniste se remet à l’ouvrage en mars 2020, alors que l’Europe vient de se confiner à cause de la pandémie de Coronavirus. Grâce à une autorisation de la police, Rachel Kolly conduit jusqu’à Francfort où son ingénieur du son l’attend derrière une vitre pour enregistrer dans une église, restée ouverte pour son arrivée. «J’ai eu la possibilité de passer la frontière, à condition que je ne voie personne. Tout était déjà installé, je n’ai eu de contact avec personne. C’était une ville fantôme!»

Le résultat est gravé sur un disque qui sort le 20 novembre 2020 chez IndéSENS. Une tournée était prévue avec, au programme, les trois Partitas de Bach en intégrale, jouées sur son Stradivarius de 1732. Une date par canton romand, chaque fois dans une église. Rachel Kolly imaginait ces concerts comme un baume, un moment de communion avec le public après un printemps pénible. Mais la deuxième vague de Covid-19 est venue semer le trouble, d’autant que les mesures sanitaires peuvent varier d’un canton à l’autre, ce qui n’est pas pour faciliter les choses. Elle a pourtant tout tenté pour repenser les horaires des concerts, revoir la jauge, considérer les éventuels couvre-feux, les règles liées aux services religieux. «Tant que l’archevêché de chaque canton n’avait pas pris de décision quant au culte, on pouvait à la limite se dire qu’il s’agissait de violon avec des fidèles de Bach dans l’église!», sourit Rachel Kolly.

Pour l’instant, les dates de janvier tiennent encore et les dates antérieures seront probablement reportées. Si Rachel Kolly se réjouit de l’enthousiasme et de la confiance témoignés par le public suisse au moment de la reprise des concerts en juin et pendant l’été, comme nombre de musiciennes et musiciens, elle a perdu la quasi-totalité de ses concerts prévus cette année. Elle envisage un nouvel enregistrement au début de l’année prochaine, en formation de chambre cette fois, avec une sonate de Busoni et d’autres œuvres du 20ème siècle liées au grand Bach. Son enregistrement avec orchestre en Australie, lui, devra attendre. Ils n’ont pas rouvert leurs frontières.