violinist, recording artist, podcaster & writer

•  MAY 2024 - Review - On-Mag - Jean-Pierre Robert - English translation below



Cette nouvelle intégrale des Sonates pour violon et piano de Brahms nous vient d'un fameux duo suisse qui pour l'occasion fête ses trente ans d'activité. Ces interprétations, forgées à une haute complicité artistique, se distinguent parmi les plus accomplies.

Assurément modèles du genre, les trois sonates pour piano et violon que Brahms compose entre 1878 et 1888, montrent un égal souci d'écriture pour chacun des instruments. Dans son perspicace essai accompagnant le CD, la violoniste Rachel Kolly rappelle combien Brahms n'approuvait pas la tendance de certains interprètes à exagérer les indications musicales de ses partitions, singulièrement en termes de ralentissement de tempos, risquant d'alourdir le texte musical. De fait, les présentes interprétations s'en tiennent à un bienvenu juste milieu. Ajouté au souci de différenciation des trois œuvres. Ainsi la Sonate N°1 pour piano et violon en Sol majeur op.78 respecte-t-elle son caractère intensément lyrique, et ce dès le premier mouvement qui, pris retenu à son début, développe une belle fluidité, merveilleusement chantante, non sans une douce mélancolie dans ses harmonies changeantes et ses élans passionnés. Mais point de velléité de tonalité automnale et d'austérité comme dans certaines autres versions. Le sentiment élégiaque se communique à l'Adagio, très pensé aussi dans son dramatisme sous-jacent puis son thème de marche funèbre revenant par trois fois. Le finale Allegro molto moderato, très libre, ne se départit pas de cette douce simplicité qui caractérise toute l'interprétation de cette première pièce. 

La Sonate N°2 en la majeur op.100 est placée sous le signe du merveilleux poétique, combien illustré dans la thématique sinueuse de l'Allegro amabile introductif et une rythmique bien contrastée, alors que le développement retrouve la manière élégiaque qui caractérisait l'œuvre précédente. Ce qu'il est convenu de considérer comme une romance sans parole atteint une sérénité refusant tout épanchement romantique. L'Andante, fusion chez Brahms entre mouvement lent et scherzo, alterne réflexion et vivacité au fil de ses divers épisodes, entre balancement capricieux et extase. Le finale Allegretto grazioso, quoique prolongeant le sentiment de bonheur émanant des deux mouvements précédents, est pourvu de passages plus sombres où l'on admire le fin legato de la violoniste. Malgré une explosion soudaine de passion au médian, le calme revient « pour terminer l’œuvre dans une expression de dignité triomphante », souligne Rachel Kolly.

En quatre mouvements, la Sonate N°3 en Ré mineur op.108 se signale par la place plus importante accordée au piano. La présente exécution fait montre d'une jeunesse d'esprit communicative. L'Allegro initial est mû par une force intérieure tout sauf démonstrative, même dans les contrastes dynamiques du développement, et considérant sa richesse thématique et le travail harmonique extrêmement dense. Une rêverie magistrale pare l'Adagio qui s'élève vers les cimes, joliment déclamatoire dans le dire du violon, d'un lyrisme chaleureux. Le court intermède suivant, marqué Presto e con sentimento, offre un paysage fantasque, d'une légèreté immatérielle dans la scansion originale imprimée par le clavier. Impétueux, le finale Presto agitato n'est que jaillissement mélodique sous l'archet enjoué de la violoniste et le magistral toucher du pianiste, poursuivant une course haletante d'une fougue parfaitement maîtrisée.

Outre une complicité artistique certaine, partageant le goût de la mesure et le raffinement de l'exécution, et alors que ce même programme brahmsien est le parfait écho de leurs débuts à Zurich en 1994, on admire la sonorité claire du violon de Rachel Kolly jouant un Strad « ex-Hamma » de 1732 et le pianisme tout en nuances de Christian Chamorel. En guise de bis obligé, ils jouent le mouvement Scherzo de la Sonate dite F-A-E. La prise de son, dans la fameuse Salle de musique de La Chaux-de-Fonds, procure immédiateté et parfait équilibre entre les deux voix. Texte de Jean-Pierre Robert 

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This new complete set of Brahms Sonatas for violin and piano comes from a famous Swiss duo celebrating thirty years on stage. These interpretations, forged of a high level of artistic complicity, are among the most accomplished ever recorded

The three sonatas for piano and violin that Brahms composed between 1878 and 1888 are undoubtedly models of the genre, showing equal attention for each instrument. In her perceptive essay accompanying the CD, violinist Rachel Kolly reminds us how much Brahms did not approve of the tendency of certain performers to exaggerate the musical indications in his scores, particularly in terms of slowing down tempos, which risked making the musical text too heavy. In fact, the present interpretations stick to a welcome middle ground. Added to this is the concern to differentiate the three works. The Sonata No.1 for piano and violin in G major, Op.78, respects its intensely lyrical character right from the first movement, which, restrained to its beginning, develops a beautiful fluidity, wonderfully lilting, not without a gentle melancholy in its shifting harmonies and passionate outbursts. But there is no hint of autumnal tonality or austerity as in some other versions. The elegiac feeling is communicated in the Adagio, which is also very thoughtful in its underlying drama and its funeral march theme, which recurs three times.
The very free Allegro molto moderato finale never loses the gentle simplicity that characterises the entire performance of this first piece.

The Sonata No.2 in A major, Op.100, is placed under the sign of poetic wonder, much illustrated in the sinuous theme of the opening Allegro amabile and a well-contrasted rhythmic pattern, while the development returns to the elegiac manner that characterised the previous work. What might be considered a romance without words achieves a serenity that refuses any romantic outpouring. The Andante, Brahms's fusion of slow movement and scherzo, alternates between reflection and liveliness in its various episodes, between capricious swaying and ecstasy. The Allegretto grazioso finale, though it extends the feeling of happiness emanating from the two preceding movements, has darker passages in which the violinist's fine legato is admired. Despite a sudden burst of passion in the middle section, calm returns "to end the work in an expression of triumphant dignity", Rachel Kolly points out.

In four movements, the Sonata No.3 in D minor, Op.108, is notable for the greater prominence given to the piano. This performance shows a communicative youthfulness of spirit. The opening Allegro is driven by an inner strength that is anything but demonstrative, even in the dynamic contrasts of the development, and considering its thematic richness and extremely dense harmonic work. A masterly reverie adorns the soaring Adagio, which is beautifully declamatory in the violin's delivery and warmly lyrical. The short interlude that follows, marked Presto e con sentimento, offers a whimsical landscape of immaterial lightness in the original scansion imprinted by the keyboard. The impetuous Presto agitato finale is a burst of melody under the violinist's playful bow and the pianist's masterly touch, continuing a breathless race of perfectly controlled ardour.

In addition to their obvious artistic complicity, sharing a taste for moderation and refinement of execution, and while this same Brahmsian programme is a perfect echo of their Zurich debut in 1994, we admire the clear sound of Rachel Kolly's violin playing an 'ex-Hamma' Strad from 1732 and Christian Chamorel's nuanced pianism. As a compulsory encore, they play the Scherzo movement from the F-A-E Sonata. The sound recording, in the famous Salle de musique in La Chaux-de-Fonds, provides immediacy and a perfect balance between the two voices.

Text by Jean-Pierre Robert